UNE CONSTANCE ET DES VARIANTES.
GéopoWeb 16/10/2024
Quel que soit le vainqueur des prochaines élections présidentielles, les États-Unis conserveront leur politique protectionniste. Les mesures décidées par Donald Trump, à peine amendées par son successeur, risquent même de s’amplifier. Cette évolution de la politique américaine entretient un cercle vicieux de désinhibition et de représailles. Ajoutons, pour être honnête, que la Chine, privée de ses moteurs de croissance traditionnels (bâtiment, infrastructures) et incapable de trouver un relais dans la consommation intérieure, maintiendra, elle aussi, sa politique agressive de soutien aux exportations qui contribuera à la dégradation des relations commerciales.
On aurait tort de trop s’étonner de la résurgence du protectionnisme américain. Depuis l’indépendance, ce sont plutôt les courtes périodes libre-échangistes qui furent l’exception. La géographie contribue à cet état de fait. Nos yeux d’Européens oublient souvent de voir l’Amérique comme un continent séparé du monde par deux océans et qui, de surcroît, a la chance d’être dotée de suffisamment de ressources pour importer peu même si ce peu est parfois considéré comme trop. Le projet initial des Constituants était ainsi de s’isoler le plus possible de l’Europe sinon du monde. La doctrine Monroe (1823) limitera ainsi explicitement l’interventionnisme au continent américain. Ce qu’elle ne produit pas encore, elle le produira à l’abri de droits de douane qui protégeront les « industries naissantes ».
La tradition protectionniste des Etats-Unis est la conséquence de ce syndrome isolationniste avec toutefois une limite qui explique les rémissions. Non seulement, les Etats-Unis produisent ou pourraient produire suffisamment la plupart des biens, mais elle produit parfois trop par rapport à ses débouchés internes. L’isolationnisme qui pousse au protectionnisme doit alors être modéré par un mercantilisme qui se soucie des exportations.
L’Amérique a donc aussi besoin de l’ouverture des marchés extérieurs pour exporter ses excédents (la Chine se trouve aujourd’hui dans la même situation…). C’est cette exigence qui a parfois conduit les Etats-Unis à tempérer son isolationnisme par un internationalisme hégémonique qui lui ouvrirait des marchés. L’ouverture aux importations devient acceptable si, en contrepartie, elle permet d’exporter davantage.
Le protectionnisme s’allège mais sous condition de réciprocité. Les avantages comparatifs à la Ricardo sont peut-être enseignés dans les universités pour convaincre les sachants des bienfaits de la spécialisation et du libre-échange, mais elle n’a jamais influencé la politique commerciale américaine. Aux Etats-Unis (mais ailleurs aussi, il est vrai) la spécialisation est plutôt vue comme un lâche abandon de la souveraineté.
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