L’érosion du libéralisme. La fin des illusions

In Rapport RAMSES 2024 de l’IFRI.
6 septembre 2023

La grande ère du libéralisme de l’après-guerre froide, promettant
à la fois développement, coopération, paix et démocratie semble
appartenir au passé. Les crises internationales et la croissance
des inégalités internes dessinent un monde tenté par un nouveau
protectionnisme. Un nouveau jeu des puissances s’exprime
au premier chef à travers la rivalité Chine/États-Unis, et la
remise en cause des chaînes d’interdépendance. Un retour à un
protectionnisme généralisé serait cependant suicidaire.
La crise de 2007-2008 a-t-elle été le chant du cygne du libéralisme au profit
de son vieil adversaire, le nationalisme ? À la suite de l’effondrement de
Lehman Brothers, la vague protectionniste tant redoutée n’avait pas immédiatement
déferlé : ce n’était qu’un répit. Dans les années 2010, les garde-fous du
multilatéralisme d’après-guerre se sont fissurés, prêts à s’effondrer. La remise en
cause du libre-échange et la marginalisation de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) en témoignent.


Pour les libéraux, le commerce international est un jeu « gagnant-gagnant ». À la
suite de Montesquieu, le « doux commerce », loin de créer des tensions, favoriserait
la paix, sinon la démocratie. Du fait de son efficacité et de la rationalité des hommes,
il pourrait même s’imposer spontanément ou, à défaut, bénéficier de règles multilatérales,
reconnues de tous. La chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’URSS ont
laissé croire à l’avènement d’un libéralisme « post-hégémonique », voire à une « fin
de l’histoire », mais ce nouveau monde résiste mal aux crises financières, sociales,
sanitaires, climatiques et diplomatiques : le spectre des années 1930 se rapproche.
De nouveau, le commerce est vu comme un combat, voire comme une guerre.
La concurrence n’est plus seulement économique, elle devient ou redevient politique.
Il ne suffit plus que les partenaires soient gagnants, ils doivent l’être chacun
plus que les autres, ce qui rend l’équation insoluble. Même les pertes deviennent
acceptables, si les autres perdent plus que soi. C’est d’ailleurs ce qu’attendent les
pays qui déclenchent une guerre, économique ou militaire. Peu importent les
pertes immédiates, si elles conduisent à l’affaiblissement de l’adversaire et donc,
peut-être à des gains futurs.
Dans les années 2000, un peu partout le national-populisme a ravivé les nostalgies
d’une grandeur passée à reconquérir. La plus grande surprise vient de leur
étendue et de leur simultanéité. Elles ont ainsi atteint, sous des formes diverses, les
cinq membres du Conseil de sécurité et une multitude de puissances moyennes ou
régionales (Turquie, Inde, Brésil, Pologne, Hongrie, etc.).
En 2018, l’offensive protectionniste est venue des États-Unis avec pour témoin et
justification le déficit commercial abyssal du pays, tout particulièrement avec la
Chine. La libéralisation des échanges portée jusqu’alors par l’hégémonie, aurait
favorisé un déclin américain et la montée en puissance de rivaux. Amorcé par
Barak Obama, amplifié par Donald Trump, précisé par Joe Biden, le ciblage sur la
Chine n’a pas épargné le reste du monde, y compris les pays alliés.
Il aura donc fallu beaucoup de déceptions pour que la mondialisation heureuse des
années 1980 devienne la mondialisation malheureuse des années 2010-2020…

Le texte complet sur :

https://jmsiroen.files.wordpress.com/2023/09/ii-19_siroen.pdf

Laisser un commentaire