Les bonnes feuilles
Le populisme
Le populisme se caractérise par le rejet des élites
dirigeantes et du « système ». Il s’accommode des discours
démagogiques. Il ne voit dans la complexité du Monde qu’un artefact destiné à
endormir les peuples pour mieux les duper. Il se décharge de ses frustrations
sur des boucs émissaires plus ou moins bien choisis, avec des récriminations
qui sans toujours être sans fondement, deviennent l’explication simple et
fallacieuse d’un Monde anxiogène. La dénonciation l’emporte sur la proposition.
Le populisme doit trouver dans les rumeurs et les fausses informations, les
arguments qui accusent et font peur. Il devient vite un nationalisme, souvent
teinté de xénophobie tellement il est facile et rassurant de rejeter sur
l’étranger la responsabilité de ses malheurs… La tentation du repli
nationaliste c’est aussi une tentative pathétique de simplifier les choses.
Le retour du protectionnisme au XIX° siècle
Les effets d’un protectionnisme qui n’implique pas la
puissance dominante, le Royaume Uni, sont plus que compensés par la baisse des
coûts de transport et l’expansion de la demande étrangère. Certains historiens,
comme Bairoch ou O’Rourke remarquent même que les pays protectionnistes
(essentiellement l’Europe continentale et les États-Unis) ont connu des taux de
croissance plus élevés, stimulant ainsi le commerce international. Cette phase
d’expansion se prolonge et c’est une Europe prospère qui, en 1914, s’engage
dans une guerre, plus absurde encore que toutes les autres, que nul n’avait vu
venir et que personne ne saura empêcher.
Le Traité de Versailles
Le Traité de Versailles impose la dislocation des Empires
vaincus pour mieux préserver celui des Empires vainqueurs. Il ampute
l’Allemagne de territoires germanophones que plus tard Hitler s’empressera
d’annexer. … Les pays alliés ne souhaitent pas favoriser la formation de zones
commerciales régionales. Ils imposent la clause de la nation la plus favorisée
à l’Allemagne et aux pays créés ou reconfigurés comme l’Autriche, la
Tchécoslovaquie ou la Hongrie, ce qui empêche tout regroupement régional. Les
yeux des grandes puissances européennes, la France et l’Angleterre, se portent
d’ailleurs moins sur l’Europe que sur leur Empire, élargi par un Traité de
Versailles qui reconnait pourtant le droit à l’autodétermination des peuples.
La construction européenne attendra.
La mondialisation commerciale
Le « taux d’ouverture » est … le rapport entre la
valeur du commerce et celle de la production. Le plus souvent on utilise le
ratio entre les exportations et le PIB (Produit Intérieur Brut).
Il est un QCM amusant à réaliser : situer les limites de
l’intervalle à l’intérieur duquel pourrait se situer ce ratio. La réponse
parait simple : le taux d’ouverture se situera nécessairement entre 0% (le pays
n’exporte rien) et 100% (le pays exporte tout) et le bon sens l’emportera sans
aucun doute dans le sondage. Mais, comme parfois en économie, le bon sens a
tort. En 2016, les exportations de biens et services représentaient 187% du PIB
de Hong Kong et 172% de celui de Singapour. Cette anomalie n’en est pas une. Le
taux d’ouverture, cet indicateur si prisé, compare deux grandeurs qui ne se
comparent pas. Le taux d’ouverture peut à partir de 0% augmenter, sans limite.
Il peut même théoriquement friser l’infini, si un pays imaginaire de la taille
d’une boîte à lettre, importait puis réexportait tout sans ajouter la moindre
valeur. C’est une faute élémentaire, trop souvent entretenue par ceux,
statisticiens et économistes, qui sont pourtant en charge de la dénoncer.
Les traités commerciaux – ratification dans l’Union
Européenne
Le vrai débat ne se limite
pas au caractère démocratique ou non de la procédure de ratification, mais sur
la nature même du projet Européen. La politique commerciale commune, voulue dès
le Traité de Rome de 1957, est incontestablement la principale touche fédérale
d’une Union qui n’aspire plus à l’être. Par ses traités successifs,
l’intégration européenne a pourtant progressé. Elle a étendu les domaines de sa
compétence exclusive, réduit l’exigence d’unanimité, démocratisé les prises de
décisions en donnant davantage de responsabilités au Parlement européen, dont
celui de ratifier les accords commerciaux.
On peut, bien sûr, regretter cette évolution. Mais les opposants à la
nouvelle procédure de ratification, qui respecte les traités et les clarifie,
comptent aussi dans leurs rangs des Européens convaincus qui devraient
comprendre que critiquer le principe même d’une ratification par les seules
instances européennes, c’est défendre une régression vers une conception dure
et eurosceptique d’une « Europe des Nations » qui serait, de fait,
une « non-Europe ». Peut-on à la fois regretter l’incapacité de
l’Europe à traiter de questions qui relèvent (plus ou moins) de la compétence
exclusive des États comme le traitement des flux migratoires, l’accueil des
réfugiés, le dumping fiscal et en même temps, lui contester la légitimité
d’agir dans les domaines qui relèvent, depuis l’origine, de sa compétence
?
Le post-multilatéralisme
Pour les Etats-Unis comme pour l’Union Européenne, la montée
des pays émergents et, en tout premier lieu de la Chine, et l’affaiblissement
du soutien politique aux accords multilatéraux – le cycle de Doha -,
ont affaibli le pouvoir de leadeurship qu’ils exerçaient jusqu’alors. La
stratégie du Président Obama (2009-2017), en ligne avec celle de ses
prédécesseurs, est appropriée par les Commissions Barroso (2004-2014). Il
s’agit de promouvoir un « post- multilatéralisme » qui contournerait
une OMC défaillante, rivée à une conception trop étroite des relations
commerciales, incapable de se saisir des sujets de l’ancienne économie, comme
la concurrence, les investissements ou les marchés publics et moins encore des
thèmes de la nouvelle comme le commerce électronique ou la protection des
données. Plus grave encore, peut-être, l’OMC ne répondrait plus aux inquiétudes
de la société civile notamment en ce qui concerne les droits sociaux, les
questions environnementales ou la sécurité alimentaire.
Mais comment promouvoir le post-multilatéralisme sans pour
autant rejeter les valeurs multilatérales, fondées sur la recherche de
compromis et la valorisation d’intérêts partagés ? La réponse sera : par
des méga-accords commerciaux de la « nouvelle génération » qui
établiraient de nouvelles normes sur de nouveaux sujets. Ils s’imposeraient à
tous dès lors que cumulés, ils représenteraient l’essentiel du commerce
international. Les pays récalcitrants, la Chine d’abord mais aussi l’Inde ou le
Brésil, n’auraient plus d’autre choix que de s’y rallier par « effet
domino », universalisant ainsi les nouvelles règles du jeu du commerce
international.
Les déficits américains
Le déficit commercial américain, d’ailleurs à moitié couvert
par son excédent dans les services, est dû au simple fait que l’Amérique
dépense plus qu’elle ne produit. Elle doit donc s’endetter pour couvrir la
différence, ce qui ne lui pose aucun problème puisque le Monde achète, vend et
prête en dollars. C’est grâce à son hégémonie monétaire que l’Amérique peut
donc offrir durablement à ses citoyens plus qu’ils ne produisent quitte,
parfois, à ce qu’ils s’endettent au-delà de toute raison et déclenchent des
crises financières mondiales, comme en 2007 avec la crise des subprimes. Les
autres pays déficitaires n’ont pas cette chance.
Le déficit américain est ainsi la preuve de son hégémonie,
pas de sa faiblesse. Quant aux pays excédentaires – l’Allemagne, la Chine, …-
le statut de « gagnant » que leur confère Donald Trump signifie
seulement qu’ils se privent en dépensant moins qu’ils ne produisent. Ils
dégagent ainsi un surplus qui financera … le déficit américain et l’endettement
des ménages.
Le libre-échange
Dès lors que, pour l’économie dans son ensemble, les gains
de l’échange l’emportent sur les pertes, le libre-échange avec les pays du Sud
doit être considéré comme économiquement efficace. Le reste revient à
l’intendance, c’est-à-dire à la politique.
Oui, mais, au même moment, l’héritage keynésien et
beveridgien de l’après-guerre était discrédité au profit d’un libéralisme,
confiant dans les marchés et opposé par principe à la redistribution des
richesses considérées comme distorsives et désincitatives. Cette révolution
libérale ne laisse alors plus beaucoup d’espace à l’
« indemnisation » des perdants. Malgré tout, dans les années 1990 et
2000, il n’est pas laissé vide. Les Etats-Unis peuvent se prévaloir de
programmes d’assistance aux travailleurs et les pays européens maintiennent,
non sans quelques révisions, leurs allocations chômage et leurs transferts
sociaux. Mais ces sparadraps, qui restent trop longtemps collés aux doigts des
« perdants », ne suffisent pas à empêcher l’hémorragie. Tous ne
jugent d’ailleurs pas ces « indemnisations » utiles. La fameuse
mobilité du travail aux Etats-Unis et la liberté de circulation des
travailleurs dans l’Union européenne ne devraient-elles pas permettre aux
secteurs exportateurs de recruter les travailleurs laissés sur le carreau,
quitte à leur faire abandonner leur région ou leur pays d’origine ? Le
Marché unique favorisera ces transferts, que défend d’abord la très libérale
Angleterre avant de s’en effrayer. Mais ces mouvements ne font que déplacer les
inégalités. Les travailleurs en mobilité devront non seulement s’adapter aux
nouveaux métiers mais aussi monter en qualification faute de quoi l’emploi
trouvé leur éviterait peut-être le chômage, mais pas la chute de leur niveau de
vie et de leur statut social. De fait, la mobilité du travail n’a suffi nulle
part à régler les problèmes.
L’Europe, ouverte à tous les vents ?
Le discours selon lequel l’Union Européenne serait le seul
territoire « ouvert à tous les vents de la concurrence mondiale » a
été, et reste, très souvent tenu par les politiciens populistes pour dénoncer
son « libre-échangisme » et ses effets supposés néfastes sur
l’emploi. En réalité, ce sentiment d’être l’« idiot », le nice guy,
de la mondialisation s’exprime à peu près partout dans le Monde car les
protectionnistes sont toujours les autres. Le populisme se nourrit de cette
croyance partagée et contradictoire, aux Etats-Unis, comme en Europe.
Mais tout le Monde ne peut avoir raison : l’Europe ne peut
être moins protectionniste que les Etats-Unis qui seraient eux-mêmes moins
protectionnistes que l’Europe… C’est bien pourtant cet outrage à la
commutativité qui assourdit nos oreilles.
…. L’Europe, n’est pas une forteresse comme le craignaient
les Etats-Unis et comme l’affirment encore parfois les autres pays. Mais
l’Europe n’est pas non plus cette vaste plaine ouverte aux vents polaires de la
concurrence internationale à coup sûr déloyale, comme le proclament les
eurosceptiques et les populistes. Elle n’a aucune leçon à recevoir de ses partenaires
commerciaux, mais elle n’a pas à en donner non plus.
Les méfaits de la mondialisation financière
[L’] expansion de la finance est spéculative par nature. Les
grandes fortunes qui se sont accumulées ne sont pas fondées sur de véritables
richesses mais sur le pari de la richesse. Lorsqu’un immeuble voit sa valeur
doubler en dix ans, aucun bien supplémentaire n’a été produit. La valorisation
ne figure donc même pas dans le PIB. Elle ne crée pas d’emplois.
L’enrichissement est nominal. La « création de valeur » qui a
longtemps enluminé le discours des grands dirigeants n’est souvent qu’une
dilatation du vide. Ces fortunes sont donc fragiles et reposent sur du sable.
Elles s’effondrent parfois sous les assauts de tempêtes financières qui corrigent
sévèrement les joueurs de cette économie que Keynes qualifiait de
« casino ». Le krach de 1929 a
anéanti bien des fortunes. Après la guerre, il faudra attendre 1987 pour
renouer avec ces épisodes qui voient l’éclatement d’une « bulle
spéculative » boursière. En 2007 elle atteindra l’immobilier avant de se
propager aux bourses mondiales.
Populisme et illibéralisme
Dans le roman populiste, la vie est un jeu
« perdant-gagnant » où c’est la minorité – le
« système » – qui gagne toujours et s’oppose à la politique qui
servirait le peuple. Cette minorité composée d’élites mondialisées et
quasi-apatrides est un ennemi potentiel qu’il faut empêcher de nuire. Restaurer
la volonté du peuple majoritaire exige donc qu’on en abaisse les droits. Le
populisme recoupe ainsi fréquemment cet « illibéralisme » à la Orban,
à la Kaczynski, à la Erdogan ou à la Poutine. On
s’attaquera aux cours suprêmes, à la justice, à la presse, aux ONG, aux
syndicats tous complices d’un « système » plus ou moins comploteur
soumis à l’oligarchie. Dans les pays gouvernés par des populistes, comme la
Pologne, la Hongrie, la Turquie ou la Russie, les contre-pouvoirs furent les
premiers visés et souvent les premiers sanctionnés. La presse, ce
« quatrième pouvoir » en revendiquant son indépendance devient la
cible privilégiée. C’est au peuple et à ses réseaux sociaux – ou à son
guide – de dire ce qui est fake news et ce qui ne l’est pas, et non à la
réalité des faits qui deviennent …alternatifs.
Pourtant, les contours du « système », des élites
ou de l’oligarchie, ne sont jamais tracés. D’ailleurs, pour beaucoup, il se
cache pour mieux manipuler le Monde gouverné par quelque société secrète. Cette
imprécision est commode car chacun peut y faire entrer qui il veut. Le
« système » ratisse large et peut être dénoncé par des fascistes
racistes et antisémites, des anti-impérialistes, des catholiques
traditionnalistes, des néopaïens, des anarchistes de droite ou de gauche, des
identitaires et tant d’autres encore. À chacun et à chaque époque son
« bouc émissaire », ce minoritaire qui doit assumer tous les
maux. Chaque flambée populiste doit
ainsi enflammer le bûcher qui consumera ses sorcières, le juif, l’émigré, la
minorité ethnique, l’Europe, l’impérialisme américain, le capitaliste, le
banquier, le lobby, le FMI, les féministes, etc…
Les populismes se construisent aussi sur l’histoire et la
culture des peuples. Dans la France colbertiste les populistes déploreront par
réflexe le retrait de l’état et l’ouverture des frontières davantage que les
anciennes puissances à tradition libérale et maritime comme l’Angleterre ou les
Pays-Bas. Les pays
« communautaristes », comme les Etats-Unis, le Brésil ou les
Philippines s’attaqueront à une « discrimination positive » qui
favoriserait trop les minorités. Les pays qui n’ont retrouvé leur souveraineté
que très récemment et parfois après avoir subi des conflits ou des épurations
ethniques s’opposeront encore plus que les autres aux migrants.
Avec l’ « antisystème » vient le repli. Un repli
sur le national et l’identitaire qui peut glisser sur le régional comme en
Belgique, en Italie, en Espagne voire en Allemagne. Mais même cet
isolationnisme n’est pas commun à tous les populismes. L’Angleterre ne quitte
pas l’Europe pour s’isoler dans son île mais pour retrouver le Monde qu’elle
n’aurait jamais dû quitter. Grâce au Brexit, elle humera de nouveau les embruns
de l’Océan pour revivre l’époque glorieuse où ses navires quittaient Liverpool,
voiles au vent, pour commercer sur les quatre continents. C’est du moins ce que
les populistes qui ont porté le Brexit ont fait croire à leurs électeurs avant
tout préoccupés par l’afflux d’immigrés européens à qui l’Angleterre libérale
avait pourtant ouvert la porte quand d’autres pays, plus prudents, avaient
repoussé les échéances.
Les pays qui se sont vus comme des puissances sont des
terreaux favorables au populisme qu’elles aient été déchues, comme
l’Angleterre, la France, l’Autriche, la Hongrie, humiliées comme la Russie, la
Chine, la Turquie et peut-être demain, l’Allemagne, ou encore fragilisées par
des puissances rivales en formation, comme les Etats-Unis.
Inégalités et populisme
L’Europe est une des régions la plus touchée par le
populisme alors qu’elle est celle où les inégalités sont parmi les plus
faibles, là où les 1% les plus riches accaparent la part la plus faible du
revenu (13% tout de même, mais 20% aux Etats-Unis). C’est aussi en Europe
qu’entre 1980 et 2016 elles ont le moins augmenté. Lorsqu’on observe le
coefficient de Gini… l’Europe est en moyenne plus égalitaire que la plupart des
autres pays du Monde. Selon les estimations l’indice se situe autour de 0,31
dans l’Union européenne et de 0,41 aux Etats-Unis. Mais surtout, au sein de
l’Union européenne ce ne sont pas les pays les plus inégalitaires qui sont les
plus séduits par les sirènes populistes : la Hongrie, la Pologne, la
Slovaquie, la Slovénie, l’Autriche ou la France ont ainsi un indice de Gini
inférieur à la moyenne européenne. Certains d’entre eux connaissent également
des taux de chômage bas et même, pour certains, inférieurs à 4% (RU, Hongrie,
Pologne, Autriche). La Pologne est le seul pays de l’UE à avoir conservé
pendant la crise de 2008 des taux croissance positifs. L’Italie, qui sous
l’influence de Silvio Berlusconi, avait lancé la vague populiste en Europe, est
l’exception qui confirme la règle. C’est peut-être un hasard, mais ce
« fait stylisé » nous fait douter de l’idée reçue selon laquelle le
populisme trouverait autant que cela son origine dans la montée des inégalités.
Populisme et inégalités
Si l’électeur populiste s’estime victime d’injustice, c’est
moins du fait de l’insolence des grosses fortunes, que des avantages dont ils
s’estiment injustement privés. Il se compare à son proche, au plus malheureux
que lui ou à l’à peine plus riche, moins au milliardaire dont il sait le statut
inaccessible. Le pauvre d’à côté est un rival bien plus dangereux car c’est
avec lui qu’il est en concurrence pour l’emploi, la promotion, ou les
prestations sociales. C’est d’ailleurs une règle bien établie que pour un pays,
un territoire ou un individu, c’est toujours avec son proche que les rivalités
sont les plus dures et l’hostilité la plus vive.
Ainsi, les effets de seuil dans les politiques sociales sont
particulièrement délétères en frustrant les classes moyennes trop riches,
parfois de quelques euros, pour en bénéficier. Dépasser un seuil qui donne
droit à des exonérations ou à des avantages sociaux équivaut à appliquer un
taux marginal d’imposition exorbitant, une trappe à pauvreté qui sanctionne
ceux qui parviennent à s’en échapper et exacerbe le sentiment d’injustice. Le
revenu universel supprimerait certes ces frustrations, mais son financement
impliquerait une révolution fiscale qui fera hésiter encore longtemps les
gouvernements.
Gilets jaunes
Le thème de la mondialisation « malheureuse » a
bien été avancé, mais moins par les gilets jaunes que par des commentateurs et
intellectuels récitant le discours convenu et simplificateur d’une opposition
entre les métropoles globalisées et les « territoires » oubliés. De
fait, l’antimondialisme et le protectionnisme n’ont pas été le thème fédérateur
retenu dans les slogans, graffitis ou banderoles. Si l’évasion fiscale et les GAFA ont bien été
huées, la critique du libre-échange est restée bien discrète. Les gilets jaunes
n’ont pas commis cette contradiction-là : hausse du pouvoir d’achat et
augmentation des droits de douane…
Quoiqu’il en soit, le mouvement des gilets jaunes a mis en
évidence les failles du système fiscal et redistributif français. Malgré son
caractère considéré ailleurs comme plutôt généreux, la fiscalisation de la
protection sociale (via la CSG) et des transferts sociaux a montré ses limites.
Si les facilités accordées au « riches » pour contenir leurs impôts
ont contribué à la croissance des inégalités (d’ailleurs plus modérée en France
que dans la plupart des autres pays) et peuvent être légitimement critiquées
pour cela, on aurait tort d’ignorer les effets nocifs d’inégalités plus
« horizontales », c’est-à-dire entre individus proches en termes de
revenu et de niveau de vie, provoquées par d’absurdes effets de seuil. Ces
planchers et plafonds peuvent ainsi aller jusqu’à abaisser le revenu net (après
impôts et transferts sociaux) des ménages quand les revenus de leur travail
augmentent. C’est donc la logique même du système fiscal qui, parce qu’il ne
parvient plus à assumer ses fonctions progressives et redistributrices, doit
être revu en profondeur. Un revenu universel intégré à l’impôt (on pourrait
oser le terme d’impôt négatif s’il n’avait pas été proposé par le sulfureux
ultra-libéral Milton Friedman …) reste une piste à explorer. Il concilierait
deux principes « républicains » abimés : l’universalité des
transferts sociaux et la progressivité de l’impôt.
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